
Le retour des vautours fauves
Sur les traces du vautour fauve dans les Alpes suisses
C’est en ce début d’été que je décide de consacrer deux journées à l’observation du vautour fauve (Gyps fulvus) dans les Alpes suisses. L’espèce est de plus en plus présente dans la région durant la saison estivale, et il n’est plus rare d’en croiser plusieurs individus au-dessus des crêtes, portés par les ascendances thermiques.




Le premier jour, je me déplace sur un spot reconnu, situé sur une crête bien exposée. Dès les premières heures, quelques individus apparaissent à grande distance. Le ballet commence, mais les conditions ne sont pas idéales. Les passages se font souvent à contre-jour et trop haut pour espérer des images nettes. Après plusieurs heures d’attente et seulement quelques déclenchements, je quitte le site sans réelle satisfaction, mais avec l’envie de retenter ma chance le lendemain.
Le deuxième jour, les conditions météorologiques sont plus stables, mais une chaleur marquée s’installe rapidement, poussant les oiseaux à voler très haut, bien au-delà de la portée confortable d’un téléobjectif. La matinée s’écoule sans grand mouvement. En début d’après-midi, je décide de changer de spot, optant pour une arête moins fréquentée, plus proche d’un couloir de vol connu. À mon arrivée, la situation change. Plusieurs vautours sont déjà présents dans le secteur. Certains décrivent de larges cercles à altitude moyenne, tandis que d’autres s’approchent, portés par les courants thermiques. Les conditions lumineuses sont bonnes, les oiseaux bien éclairés, permettant des prises de vue rapides avec des réglages optimaux.







Ces deux journées, bien différentes, illustrent bien la dynamique de dispersion estivale du vautour fauve. Originaire du sud de l’Europe, notamment des Pyrénées, des gorges du Verdon ou des Sierras espagnoles, l’espèce effectue chaque année une migration opportuniste vers les Alpes. Il ne s’agit pas d’une migration classique mais d’une dispersion, principalement estivale, concernant surtout les jeunes individus non reproducteurs. Leur présence en Suisse s’explique par plusieurs facteurs : un succès de reproduction croissant dans les colonies sources, la réintroduction de l’espèce dans certaines zones alpines dès les années 1980, et une disponibilité alimentaire suffisante, assurée par les populations de chamois, bouquetins et bétail d’altitude.
Le vautour fauve se distingue par sa morphologie remarquable. Avec une envergure pouvant dépasser 2,60 mètres et un plumage fauve contrasté par une collerette blanche, il est parfaitement adapté au vol plané. Son cou long, dénudé, facilite le nettoyage lors de l’alimentation sur carcasse. Strictement charognard, il joue un rôle important dans l’écosystème montagnard en assurant le recyclage naturel de la matière organique.






La progression annuelle de l’espèce dans les Alpes suisses est aujourd’hui bien documentée. Les observations sont plus fréquentes, plus nombreuses, et concernent parfois des groupes d’une dizaine d’individus, voire plus. Le réchauffement climatique, en modifiant les régimes de vent et en étendant les zones favorables à la présence estivale, contribue également à cette expansion vers le nord et vers des altitudes plus élevées.
Ces données de terrain, croisées avec les observations collectées par les réseaux ornithologiques régionaux, confirment que le vautour fauve est désormais un visiteur régulier des massifs suisses. Sa présence est encore saisonnière, mais de plus en plus marquée. Et s’il faut parfois attendre plusieurs heures pour quelques images, chaque apparition est un rappel de l’équilibre fragile mais bien réel entre les espèces et les milieux qu’elles recolonisent peu à peu.
